L'habillement à l'époque coloniale
La colonisation de l'est du Canada commence au XVIIe siècle avec les Français. Au début, ces colons ne peuvent compter que sur les vêtements qu'ils ont apportés. Un habit neuf coûte cher. Pour se vêtir, on ne dispose que de prêt-à-porter fabriqué localement à partir d'étoffes importées ou, parfois, de peaux apprêtées. Ce n'est qu'au début du XVIIIe siècle que le tissage se répand dans les nouvelles colonies. Cependant, dès la fin du siècle précédent, les gens à la mode peuvent compter sur quelques bottiers et chapeliers.
Vêtements à la mode
Avec l'émergence des villes, les citadins aisés, hommes et femmes, portent des vêtements élégants semblables à ceux des Français. Toutefois, il faut compter au moins un an avant qu'une nouvelle mode européenne ne se manifeste au Canada, car les bateaux n'arrivent qu'une fois l'an. Au Canada du XVIIe siècle, l'homme élégant porte perruque, tissus somptueux et dentelles fines. Les portraits de Jean Talon, premier intendant de la Nouvelle-France, le montrent portant avec style la perruque, la veste de brocart, la chemise à poignets garnis de dentelles abondantes et le jabot de dentelle.
Un tableau peint en 1703 représente madame Riverin, femme d'un membre du Conseil souverain de Québec, vêtue d'une robe élégante appelée « mante » et arborant une coiffure magnifique connue sous le nom de « fontange ». Ses filles sont habillées de la même façon et son fils porte la version miniature de l'habit masculin alors à la mode. Il est alors courant d'imiter les adultes dans la façon d'habiller les enfants.
La province du Haut-Canada est fondée en 1791. La nouvelle classe dirigeante, tout comme l'élite, tente de maintenir certaines normes d'élégance qui, comme c'est le cas en Angleterre, sont en général plus conservatrices que celles qui régissent la mode à Paris au XVIIIe siècle.
La première gravure de mode canadienne, une image montrant le chic dernier cri, paraît en mars 1831 dans le MontrealMonthly Magazine et s'inspire sans doute d'une publication britannique ou française. Au milieu du XIXe siècle, les communications transatlantiques connaissent des progrès remarquables et le laps de temps entre le lancement d'une mode en Europe et son apparition au Canada ne dépasse parfois pas deux mois.
Vêtements de tous les jours
Mis à part les mieux nantis, tous les colons portent des vêtements faits maison, coupés dans une étoffe filée et tissée au foyer ou bien confectionnés par les tisserands locaux. Le style, plutôt traditionnel, rappelle celui de la campagne française et, plus tard, anglaise. Au milieu du XIXe siècle, les masses ont de plus en plus accès au prêt-à-porter et peuvent, elles aussi, se mettre au diapason de la mode, même si la plupart des vêtements de la classe ouvrière continuent d'être confectionnés au foyer.
Très peu de ces vêtements sont parvenus jusqu'à nous, car, à mesure qu'ils s'usent, ils sont réutilisés pour faire des courtepointes et des tapis, etc. En 1884 paraît le premier catalogue de La Compagnie T. Eaton limitée, qui permet même aux habitants des régions rurales les plus reculées de commander par la poste des vêtements à la mode. C'est un tournant important qui comble le fossé entre le vêtement sobre de la campagne et le vêtement élégant de la ville.
Vêtements pour hommes
Au début du régime français, les citadins ordinaires et les habitants des campagnes (fermiers pour la plupart) portent des vêtements similaires à ceux qui sont portés en France. Tout au cours du XVIIe siècle et du XVIIIe siècle, le vêtement masculin est varié et très semblable aux habits à la mode, à ceci près que le tissu en est plus simple et plus résistant, et le modèle plus pratique.
Au XIXe siècle, on retrouve les mêmes types de vêtements, mais les styles sont moins variés : les vêtements de tous les jours ressemblent aux habits à la mode. Le pantalon remplace le haut-de-chausses traditionnel, qui arrivait juste au-dessous du genou. La veste courte est commune. Dès le début de ce siècle, le tissu fabriqué dans les manufactures anglaises remplace graduellement l'étoffe tissée maison pour confectionner les vêtements de tous les jours.
Tant sous les régimes français qu'anglais (et même plus tard), certains types de vêtements pour hommes ne tiennent pas compte de la mode et diffèrent de leur équivalent européen. La garde-robe de tous les jours est influencée par les vêtements des Autochtones. Ainsi, les Canadiens français portent des vêtements de cuir et des chaussures qui empruntent la forme des mocassins (bottes ou souliers de peau de bêtes sauvages). Les jambières de cuir ou de tissu sont également répandues. Ces vêtements sont surtout populaires chez les ruraux et les coureurs de bois qui font activement la traite des fourrures, car ils protègent des rigueurs du climat et de la nature. Les Habitants portent la chaussure de type mocassin indispensable pour la raquette.
Les hauts chapeaux de feutre portés au début du XIXe siècle par les voyageurs sont d'un grand intérêt. Ces derniers portent souvent la ceinture fléchée, faite de laine tressée à motifs multicolores en forme de tête de flèche (selon une technique de tressage à la main des Autochtones de l'Amérique du Nord). Cet accessoire, typiquement canadien-français, apparaît au début du XIXe siècle et les femmes du Québec continuent d'en confectionner jusqu'à la fin du siècle.
La ceinture fléchée est également portée par les habitants. Elle est souvent utilisée comme monnaie d'échange dans la traite des fourrures. Accompagnée du capot coupé à même une couverture, elle est adoptée par la bourgeoisie pour les sports et les loisirs. Elle connaît actuellement un regain de popularité et on recommence à la fabriquer au Québec.
Le capot québécois (au XVIIe siècle, ce terme désigne une cape et, plus tard, un grand manteau épais) s'impose graduellement à cause des hivers rigoureux. À partir de 1725 environ, on lui ajoute parfois un capuchon. À la campagne, il est le plus souvent coupé dans l'étoffe du pays, épais tissu artisanal de couleur grise.
À partir des années 1770, on se sert des couvertures de la Compagnie de la Baie d'Hudson pour fabriquer le capot, qui deviendra le costume typique du Canadien rural. Doté d'un haut col, le capot est de couleur blanche, avec les rayures bleues de la couverture aux manches et près de l'ourlet. On le ferme à l'avant avec des rubans rouges, bleus ou des deux couleurs.
Le manteau est parfois orné de rosettes en ruban rouge ou bleu. Ce pittoresque costume s'accompagne habituellement d'une ceinture de laine multicolore, d'une tuque de laine rouge doublée de blanc ou d'un chapeau de fourrure, de jambières (ou mitasses) et de bottes.
Au cours du XIXe siècle, le capot fait d'une couverture se modifie quelque peu pour prendre l'allure d'un grand manteau ou capote, à la mode à l'époque. On lui ajoute des boutons et des épaulettes, on retire les rosettes et de nouvelles combinaisons de couleurs apparaissent dans le textile. Au cours de cette période, le bourgeois adopte le capot pour les sports et les loisirs d'hiver et les femmes commencent à en porter une version féminine.
Ce vêtement, surtout en blanc, est typiquement québécois. Connu de nos jours comme le manteau de la Compagnie de la Baie d'Hudson, il est confectionné au Canada pour les deux sexes. La fourrure joue aussi un rôle important pour combattre le froid de l'hiver. À partir du milieu du XIXe siècle, on porte la fourrure à l'extérieur, ce qui crée un effet de richesse.
Vêtements pour femmes
Au XVIIe siècle et jusqu'à la fin du XIXe, la tenue habituelle de la femme québécoise, à la ville comme à la campagne, est la jupe et la blouse. Pendant le régime français, la femme porte le corset (généralement sans manche et allant jusqu'à la taille), la chemise (sous-vêtement au genou qui sert souvent de blouse chez les gens de la classe ouvrière), le jupon, le tablier et le bonnet. Ce costume rappelle ceux que l'on retrouve en France et partout ailleurs en Europe occidentale.
Lorsque les métiers à tisser manuels apparaissent en Nouvelle-France, la faveur va aux tissus unis, rayés ou à carreaux. Vers le milieu du XVIIIe siècle, le corset traditionnel cède la place au corsage sans manche et plus long. Portée à l'époque sous le nom de caraco, cette chemise a connu toutes sortes de variantes dont on a perdu la trace. Elle devait donner une impression de sveltesse. Néanmoins, les vêtements féminins du Canada colonial sont façonnés en fonction du climat rigoureux. À la fin du XVIIIe siècle, Lady Simcoe trouve que les socques à fer (sabots en bois avec anneaux métalliques attachés en bas) qu’elle a rapportés d’Angleterre ne servent à rien sur les chemins boueux non pavés. Elle les remplace donc par des mocassins flexibles comme en portent les Autochtones. Au cours du XIXe siècle, la mode des femmes bien nanties et de la haute société suit de près celle qu’on trouve en Europe. On peut à peine faire la différence entre les robes élégantes que portent les sujets du célèbre portrait de George Theodore Berthon, Les trois sœurs Robinson (1846), avec leurs jupes amples et leurs ornements discrets, et celles qu’on voit dans des tableaux britanniques semblables de la même époque.
À mesure qu’avance le XXe siècle, le système d'approvisionnement en vêtements se métamorphose peu à peu, la couturière cédant la place au grand magasin. Dans les grandes villes, toutefois, les riches clientes continuent de faire appel aux services de couturières de mode. Après la Deuxième Guerre mondiale, à Montréal, les membres de cette profession s'installent dans des établissements luxueux et fort élégants, à la façon des grands couturiers français, afin de s'approprier cette clientèle. On compte encore au Canada quelques maisons de couture de ce genre, mais sous une forme plus modeste. La mode canadienne proprement dite ne fait son apparition que plus tard au XXe siècle, quand les industries locales commencent à employer leurs propres stylistes.
La plupart des musées provinciaux exposent des vêtements d'autrefois. Le Musée royal de l'Ontario, le Musée McCord d'histoire canadienne et le Fashion History Museum en possèdent de remarquables collections.
Voir aussi Création de mode; Uniformes.